L’âge de faire

La puissance de la vie est une force incommensurable.

Pour preuve, ces petites graines qu’on peut voir dans toutes les villes, qui s’insinuent dans une minuscule faille de goudron ou de béton, le soulèvent pour s’élever, pour devenir pissenlit, fleur sauvage ou arbre qui déchirent sans considération aucune ce lourd tapis figé.

Cette puissance se manifeste à l’instant où deux gamètes se rencontrent et où la division cellulaire devient multiple jusqu’à créer un corps, bientôt éjecté de la matrice, poussé par cette ineffable pulsion de vivre.

L’avidité du tout petit se manifeste en tout premier par sa bouche. Premier cri. Première tétée goulue.

La machine à grandir est en route.

La soif de vivre déchire tous les «il faut».

Envie ou non d’être accueillie, elle pulse, pousse, s’impose.

Il suffit d’observer les enfants, mus par cette merveilleuse énergie de vie, de croître, de faire.

Les statufier sur un banc d’école est un supplice, une douloureuse contrainte pour le corps qui ne demande qu’à exprimer cette envie de faire : bouger, bouger pour ne pas imploser.

Bouger pour faire quoi ? Tout. Tout et n’importe quoi pourvu qu’il bouge. Courir, sauter, se vautrer. N’importe quoi pourvu que ce fleuve impétueux puisse s’exprimer.

Vient la plainte des adultes du déficit d’attention. Mais comment être tranquille quand la vie sourd dans les veines !? Quand l’énergie vitale est à son apogée !?

Il semblerait que cette force de vie s’exprime principalement dans les hanches. Trop de pulsion retenue chez un tout petit l’empêche de s’endormir. De doux mouvements de rotation de ses petites jambes apportent un calme quasi instantané. Sous d’autres cultures pourtant, le bébé est emmailloté, contenu bras et jambes comme un petit ver à soie dans son cocon, et l’apaisement semble identique.

Plus tard, l’enseignant exige l’immobilité. Quoi que cela ne soit pas une condition généralisée dans le monde non plus.

Des pays avancés dans la pédagogie ont compris l’importance de laisser le corps s’exprimer. Que le mouvement permet la compréhension théorique, l’assimilation aussi. La preuve par les résultats scolaires supérieurs à la moyenne obtenus est une évidence.

L’enfant doit rester attentif aux propos d’un adulte pendant plusieurs heures, alors que gronde en lui une cascade impétueuse et débordante.

A moins que ! À moins que son mental ne soit appelé, happé, par un écran qui l’amène dans un état cataleptique proche de l’hypnose.

Le corps devient alors inerte, vautré, oublié.

Les heures passent. Seul le regard manifeste un éveil de surface.

Cet état cataleptique saisit même les adultes, inconscients que nous sommes de ce vol de présence, de cette atteinte à notre pouvoir de création, de ce kidnapping d’énergie de vie.

Un enseignement très doux peut être pratiqué volontairement : se poser sur un coussin de méditation, ou dans une position confortable choisie, et devenir observateur de ce qui se passe dans nos corps.

Constater et ressentir cette pulsion de vie qui demande à s’exprimer. S’en faire une amie qui nous ramène inlassablement à l’instant présent, immuablement. Chaque respiration nous ancre dans cette seule réalité, aussitôt suivie d’une autre, puis d’une autre, inlassablement.

Comme l’aiguille d’une dentellière crée une œuvre magnifique point à point.

Là nous pouvons toucher l’état d’être. À l’instant où le corps comprend enfin que nous cherchons juste à rentrer en communication avec «qui je suis».

Merveilleuse connexion du corps et de l’esprit, qui dans l’instant, peuvent se rencontrer et expérimenter l’Unité, la connexion au Grand Tout.

Survient alors l’envie d’être, quel que soit l’âge.

Namasté

Claudine



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