Il faut que ton travail soit de l’amour rendu visible

Dans les milliers d’injonctions données par nos parents, combien rejoignent cette idée ?

« Il faut que tu travailles bien à l’école »

« Il faut faire tes devoirs »

« Il faut te laver les mains »

« Il faut dire bonjour à la dame », etc.

Revenir à l’essentiel, voilà ce qu’est l’amour rendu visible.

Quoi que je fasse, je le fais avec une intention d’amour.

Mais cela n’est possible qu’à échelle humaine et personnelle, c’est-à-dire à la capacité physique du moment présent.

Quand nous cherchons à démultiplier à des fins de surproduction, nous explosons la finalité au bénéfice du profit.

Par exemple, ce que le potier peut modeler dans sa journée, ce qui sortira du tour et de ses mains habiles sera de l’amour rendu visible.

S’il lui faut produire plus que ce que ses mains peuvent faire dans son temps de travail, il lui faudra ou bâcler son labeur, ou sous-traiter et cela sera de la pure production qui perdra « son âme ».

Nous seuls sommes responsables de cette surproduction sans conscience*2.

Il nous faut des fraises en hiver, de la viande à tous les repas, des tablettes électroniques nouvelle génération, plus, plus, toujours plus.

Je me souviens dans mon enfance, le repas de Noël était un poulet rôti. Il a laissé dans mon souvenir une saveur jamais égalée, car à l’époque les poulets étaient élevés en liberté, avec des graines et le temps qu’il fallait pour qu’ils atteignent une taille raisonnable gérée par le seul cycle de la nature.

Aujourd’hui, les supermarchés regorgent de volailles toute molles, gorgées d’eau et d’antibiotiques, impossibles à rôtir.

Adulte, je me suis trouvée à manger un sandwich jambon-beurre devant la cheminée avec mon amoureux.

Je confiais à un ancien de mes amis comme ce repas était le plus délicieux jamais partagé. Il me répondit :

– Tu sais pourquoi ? c’est parce que tu as mangé de l’amour !

Une autre fois, alors que je faisais (encore) un sandwich pour un client, je repensais à ce que mon père me disait* et j’étalais le beurre en étalant l’amour avec de grands gestes du poignet… et j’oubliais ensuite mon intention.

Une demi-heure plus tard, le client est venu vers moi tout bouleversé et m’a dit :

– Madame, je n’ai jamais mangé un sandwich aussi bon !

(Pensez-y quand vous tartinerez vos prochains sandwichs : il y a des miracles dans cette recette-là ).

Comment introduire cette notion dans le travail à la chaîne ? Il y a des dizaines d’années, nous avions encore le droit de rire et d’échanger sur notre lieu de travail, maintenant on nous demande rendement et délation.

En voulant toujours plus, nous perdons notre humanité. Que de sagesse et de clairvoyance dans le film de Charlie Chaplin « Les temps modernes » !

Nous pouvons toutefois encore « décélérer » le mouvement par une prise de conscience individuelle :

– Mon portable n’est pas le dernier cri et je ne l’utilise pas encore à ses pleines capacités. Pourquoi en changer ?

– Ces lentilles sont délicieuses et m’apportent toutes les protéines dont j’ai besoin, pas de viande aujourd’hui.

– Mon maraîcher me propose des légumes tout frais de son potager. Il sait quoi faire pousser selon la saison, je lui fais confiance et cuisine en fonction de l’offre du moment. Etc.

C’est cela qui fait de nous les petits colibris qui peuvent infléchir la croissance mondiale.

Je me satisfais avec le papier monnaie que j’ai dans ma poche et ne succombe pas à l’injonction des paiements dématérialisés.

Si moi je ne sais plus très précisément ce qu’il reste sur mon compte bancaire, d’autres n’en perdent pas de vue un seul centime. Pourquoi ?

S’il ne nous est plus possible de mettre l’intention d’amour dans tout ce que nous faisons à des fins mercantiles, il nous est encore possible de le faire par amour pour les humains et pour nous-mêmes : acheter en conscience, manger sainement, s’offrir repos et convivialité afin de bénéficier d’une belle énergie.

Être bien dans son corps et dans sa vie apporte les mêmes circonvolutions positives que le galet rayonne sur une eau calme.

Namasté

Claudine

*Ce que mon père me disait quand il m’apprenait à travailler.

*2« Quand on pense qu’il suffirait que les gens n’achètent pas pour que ça ne se vende plus ». Coluche, Misère, 1978

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