Apprivoiser son ressenti

pour mieux l’explorer et se comprendre.

Nous sommes à des années lumière de notre ressenti.

Absorbés en permanence par notre mental nous n’avons de cesse que de FAIRE.

Comme un train fou laissé à la seule volonté d’une locomotive sans conducteur, notre mental nous entraîne sur les rails du toujours plus.

Faire pour ne pas Être.

Un jour, le « mal-a-dit » nous pousse à l’introspection : mais qu’est-ce que c’est que ce bazar à l’intérieur de moi ? Mon estomac brûle, mon cœur tape sans rythme, mes poumons ne savent plus le goût de l’oxygène, ma tête est en feu de milliers de pensées qui se bousculent comme à l’entrée d’un stade un jour de coupe du monde de football et mes pauvres intestins se tordent dans tous les sens.

Sans parler de mon foie gavé de gras ou d’alcool consolateur, de mon pancréas qui ne sait plus quoi faire de tout ce sucre qui lui tombe dessus et de ma rate qui s’essouffle à courir partout à la rescousse.

Je n’oublie pas mes reins pétris de peur de ne plus arriver à filtrer ces torrents de pensées toxiques.

La maladie, mais parfois aussi un soupçon de sagesse salvatrice, me dictent une simple envie de dire : stoooop ! et m’invitent à l’introspection.

Qu’est-ce qui se passe là-dedans ? Dans ce magnifique véhicule terrestre qu’est mon corps, dans cette extraordinaire machine merveilleusement huilée qui grandit toute seule comme un tournesol surgi de sa petite graine ?

Mon regard captivé par l’extérieur se tourne à l’intérieur. Tiens ! Je découvre mon ressenti si longtemps ignoré. Coucou ! Où te caches-tu ? Enfin, je reconnais ta présence. Tu m’as si souvent parlé sans que je ne t’entende. Jamais tu ne t’es lassé, fidèle ami toujours présent malgré ma magistrale indifférence.

Enfin, je me pose et essaye de faire silence.

Ta petite voix timide me dit : ça y est, je peux te parler ?! Tu reconnais vraiment mon importance !?

Ma gorge se sert de la gratitude de mon ressenti d’être enfin entendu… et le voilà qui file.

Mes tensions pour un instant oubliées, des pensées les plus lointaines possibles, des émotions misent en sourdine me permettent de l’apprivoiser. Si longtemps je l’ai ignoré !

Comme le Petit Prince avec son renard, je lui donne rendez-vous à heure fixe, même si c’est un peu difficile au début :

«  – Qu’est-ce que signifie « apprivoiser » ?

– C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie « créer des liens… »

– Créer des liens ?

– Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde…

– On ne connaît que les choses que l’on apprivoise, dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !

– Que faut-il faire? dit le petit prince.

– Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près…

Le lendemain revint le petit prince.

– Il eût mieux valu revenir à la même heure, dit le renard. Si tu viens, par exemple, à quatre heures de l’après-midi, dès trois heures je commencerai d’être heureux. Plus l’heure avancera, plus je me sentirai heureux. A quatre heures, déjà, je m’agiterai et m’inquiéterai; je découvrirai le prix du bonheur ! Mais si tu viens n’importe quand, je ne saurai jamais à quelle heure m’habiller le cœur… Il faut des rites.

– Qu’est-ce qu’un rite ? dit le petit prince.

– C’est aussi quelque chose de trop oublié, dit le renard. C’est ce qui fait qu’un jour est différent des autres jours, une heure, des autres heures. »

Rencontrer mon « renard », mon ressenti, si proche de moi et pourtant inconnu, m’intimide et m’effraye (oh ! Encore une projection du monarque tout puissant Mental).

Ça chavire et ça tangue dans tous les sens là-dedans. Il y a des tempêtes émotionnelles irrésolues, des petits gnomes gris qui se sont saisis de chacune de mes pensées, tout un petit monde sans dirigeant et sans lumière. On dirait un conte pour enfants peuplé de monstres imaginaires.

Imaginaire, mon mental l’est. Enfin je m’en aperçois : il invente n’importe quoi celui-là pourvu qu’il attire mon attention et prenne tout l’espace.

Il va falloir patience et douceur avec tout ce monde pour que chacun reprenne sa juste place.

Je m’accorde tout d’abord cinq minutes quotidiennes : mon timide ressenti pointe le bout de son charmant petit nez de temps en temps.

Il m’apprend à dénouer une tension ici, à faire taire une pensée là.

Nous entrons en relation, nous nous reconnaissons, nous nous réjouissons de plus en plus de nos rendez-vous, comme des amoureux secrets se retrouvent au nez et à la barbe de tous.

Je découvre un monde féerique dans mon ressenti : tout est vrai ! lumineux !

Mes heures « de rendez-vous avec moi-même » me permettent de planer sur les airs comme l’aigle royal, de glisser entre les eaux turquoises tel-le le dauphin, de courir en petits bonds aussi légers que ceux d’une gazelle et surtout d’appréhender la vie sous un tout autre angle où justement je n’ai plus rien à vraiment redouter.

Mon ressenti devient mon ami, mon amant.

Avec lui je retrouve un monde merveilleux, une dimension inconnue de moi.

Il me susurre à l’oreille sa formule magique : reste calme, reste zen, regarde, le moment est parfait.

Il a si souvent raison !

Namasté

Claudine

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