Je ne suis pas ce que l’on pense de moi

Pour une petite personne toute fine, mes soixante-dix kilos lui paraîtront énormes, mais pour une personne souffrant d’obésité, je serais une allumette à laquelle elle souhaiterait ressembler.

Suis-je pour autant maigre ou grosse ? Non, je suis !

Notre époque donne l’exemple de personnes filiformes, proches de l’inanition tant elles recherchent la maigreur. Pourtant, il y a deux siècles, ou dans certains pays africains, une personne plantureuse est belle et enviée car elle représente la richesse.

Faut-il absolument rejoindre une image donnée ou puis-je être seulement moi ?

Dans un cas, je dois me contraindre à un régime draconien proche de la psychose, dans l’autre, je dois enfler telle la grenouille qui voulait ressembler à un bœuf.

Et si, par amour pour moi, par respect pour ma nature, j’écoutais tout simplement les besoins de mon corps ?! Et si, tout simplement, j’étais en phase avec moi-même, n’écoutant que moi ?!

J’ai besoin de croquer toute une tablette de chocolat ? Je m’autorise une tablette de chocolat. L’état nauséeux qui risque de survenir me dira que j’étais dans l’excès.

Je n’ai besoin que d’un verre d’eau ? Je me satisfais d’un verre d’eau. La baisse de tension qui risque de survenir me dira qu’il m’aurait fallu quelque chose de plus consistant.

Je reste en phase avec moi seule, plus envers une image imposée.

Un jour, une jeune femme très en colère de ce que la vie avait lié nos destins me jeta en plein cœur :

– Sale pute !

Cette flèche empoisonnée me conduisit au bord d’un précipice appelé dépression. Je m’endormais en entendant ses mots, je mangeais en entendant ces mots, je me regardais dans un miroir et j’y voyais… une sale pute !

Des jours durant, j’ai porté ce jugement extrême, jusqu’à l’instant merveilleux de l’Éveil : ces mots sont ce qu’elle pense de moi, ils ne sont pas moi !

Un pas après l’autre, j’ai avancé au-delà de cette prison qui venait de tomber ; ces murs, je les avais construits seule : si tu fais cela, que va-t-on penser de toi ? Si tu dis cela, quelle critique vas-tu recevoir ? Je ne vivais pas ma vie. Je vivais selon un code édicté par le regard des autres.

Et je me suis régalée à satiété, malgré les :

– tu te ressers encore !

sans prendre un gramme. ☺

Et je me suis baignée nue dans la mer, loin des regards, mais l’info est quand même parvenue à certaines oreilles :

– tu n’es pas un peu bringue-zingue toi ?

Et j’ai vécu une communion avec la mer comme personne ne m’avait jamais appris, dans une extase proche de l’illumination.

Et j’ai dansé seule sur une piste de danse, à en perdre le souffle et l’équilibre, sous les regards désapprobateurs, et j’ai découvert ce que vivent les derviches tourneurs.

Devrais-je remercier cette jeune femme qui a permis à mes ailes de pousser ? Je ne le pense pas.

Mais je remercie le destin qui m’a amenée à me casser le nez sur CE mur !

Car maintenant je sais que derrière chaque mur qui se présente se cache un trésor.

Quand tout va bien, je ne me remets pas en question.

Quand je suis dans l’erreur, une petite voix, mon petit Jiminy Cricket me dit : attention ! danger ! … que je m’empresse de ne pas écouter.

Alors un obstacle me fait trébucher, mais obstinée, je persiste dans mon erreur. Alors la porte se referme sur mes doigts et je hurle « au scandale ! ô !injustice ! comme je souffre … »

Je me pose enfin et analyse la situation : ah oui ! Là, il y avait matière à apprendre, alors ?! que m’enseigne cette cuisante expérience ? Étais-je en phase avec moi ? Étais-je à l’écoute de mon moi profond ?! Ou étais-je à la page 33 de mon « Guide du Routard »* du parfait petit humain ?

* Ne cherchez pas la nouvelle édition en librairie : nous l’écrivons tous les jours !☺

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