Adaptabilité
S’adapter, c’est se perdre.
L’ami avec qui j’échange me traduit cette pensée : quand l’enfant s’adapte à un traumatisme, il perd un peu de qui il est vraiment. Il perd une facette du prisme de sa personnalité.
Ma réflexion me pousse au-delà.
Et si le traumatisme était une porte fracturée pour que je devienne qui je suis vraiment ?
Qui traverse la vie sans traumatisme, quel que soit l’âge ?
Pourquoi devons-nous expérimenter la souffrance ?
N’a-t-elle pour seul but que la méchanceté pure de faire mal ? Comme la vie serait alors cruelle et inutile ! Un combat de boxe où il n’y aurait que des perdants.
Et si ces traumatismes qui nous touchent tous étaient tout l’inverse ? Une invitation à grandir ? À lâcher qui nous croyons être ? A sortir du rôle que nous nous imposons, seuls ?
Quand arrive notre première pensée consciente de qui je suis ? Après combien de respirations ? Combien de tétées ? Combien de chutes qui nous apprennent la verticalité ?
Ma personnalité s’est-elle déjà construite dans la vie intra-utérine ? A-t-elle choisi ma mère, ma famille, ma condition sociale, le sceau de la communauté qui voudra bien me délivrer mon passeport ?
Toute une vie pour m’identifier. Pour m’agripper à Cela. Toute une liste de références entre couleur de peau, langage, caractéristiques physiques, sociales, familiales … acquises ou innées.
Et si le trauma voulait juste me faire ouvrir la main ? M’apprenait à lâcher ? A lâcher mes constructions mentales élaborées au prix fort de Qui je me crois être en fonction de la trame.
Au-delà. Au-delà de mon apparence. Au-delà de ce petit moi qui ne veut pas comprendre, qui ne veut pas me lâcher : hé ! Attends ! Regarde tout ce que j’ai mis en place pour que tu sois toi ! Tu ne peux pas me tourner le dos maintenant, après tout ce que nous avons construit ensemble ?!
Et si ?!
Et si j’étais bien plus que cela ?!
Et si, au-delà de tous les concepts qui m’ariment, j’étais juste «la vie».
La vie qui doucement, immuablement, m’oblige à respirer. La vie qui pulse à chaque battement de mon coeur avec la seule volonté de me ramener à l’amour inconditionnel. L’amour qui se donne, comme la Terre donne son souffle l’air, son sang l’eau, sa chair la matière solide et vivante qui me nourrit.
Il y a trauma parce que je suis identifié-e très fortement à l’image que je me suis construite, avec velléité, avec une volonté infaillible d’être qui je veux être, qui je crois être.
J’ai appris si tard que la blessure m’apprenait à lâcher. Que l’Autre n’était que le reflet de l’image erronée de moi-même, bâtie pas-à-pas par ma pensée consciente.
Au-delà de cette image erronée, du personnage jouant son rôle dans le film de la vie, il y a mon vrai moi, nu, déconstruit, une pulsion, un souffle, une pichenette dans l’éternité, qui ne saurait être complète sans cette pichenette.
Tout le reste n’est que fantasmagorie.
Viens à moi, parle-moi, agite-toi. Donne-moi tes jugements, tes avis, tes mises en garde, tes tourbillons fous d’une tempête qui ne m’atteint plus.
Là.
Je suis.
De toute éternité.
Namasté
Claudine
Cette œuvre est sous Licence Creative Commons Internationale Attribution-Pas d'Utilisation Commerciale 4.0.